Presque chaque jour, des femmes qui tentent de se sauver d’un homme violent se butent à des portes closes dans les refuges destinés aux victimes de violence conjugale et restent coincées dans leur ménage toxique.
« Il y a des femmes qui ne trouvent pas de place et qui doivent attendre quelques jours. Il y a des périodes de pénurie, surtout dans la grande région de Montréal », déplore Claudine Thibaudeau, porte-parole de SOS violence conjugale. Une situation qu’elle qualifie de « préoccupante », mais surtout, de « dangereuse ».
« Quand une femme décide de faire le et de quitter la maison, c’est qu’elle est vraiment inquiète. Dans plusieurs cas, il y a un potentiel de danger pour elle. »
— Claudine Thibaudeau, porte-parole de SOS violence conjugale
D’où l’importance de lui trouver une place en refuge le plus rapidement possible.
« Dire non, c’est la partie la plus difficile de notre travail, dit M Thibaudeau. On fait quotidiennement le tour de toutes les maisons pour trouver de la place, mais des fois, il n’y en a pas. On dit à la femme de rappeler le soir, le lendemain, au cas ou quelque chose se libérerait. C’est déchirant parce que d’une journée à l’autre, on reconnaît les mêmes femmes qui appellent. »
L’organisme panquébécois reçoit 25 000 appels par année, dont le quart sont pour des demandes d’hébergement d’urgence. SOS violence conjugale en refuse plusieurs par jour. D’autres victimes sont forcées d’aller très loin de chez elles parce qu’il s’agit de la seule place qui est libre. Des femmes de Montréal se retrouvent donc à Thetford Mines et des femmes de Sept-Îles, à Baie-Comeau.
« Ce n’est pas évident. Certaines n’ont pas de transport. Certaines sont trop anxieuses pour se rendre aussi loin et décident d’attendre quelques jours dans l’espoir qu’une place se libère plus près de chez elles. »
La pénurie est grandissante, selon Claudine Thibaudeau, qui ne peut toutefois pas la quantifier. À titre indicatif, l’Auberge shalom pour femmes de Montréal a dû refuser 83 demandes d’hébergement l’an dernier faute d’espace.
Le refuge les a adressées à SOS violence conjugale.
Est-ce parce qu’il y a plus de victimes ou parce que les femmes sont plus nombreuses à demander de l’aide ? « J’espère vraiment que c’est parce qu’elles vont chercher de l’aide », dit M Thibaudeau.
Au Québec depuis 2009, 87 femmes ont été assassinées par un conjoint, un amoureux, un ex-partenaire ou un amant, selon des chiffres compilés par le Comité Femmes Vigilantes de la région de Châteauguay.
Alors que le taux de criminalité baisse chaque année au Canada, le nombre de crimes commis dans un contexte de violence conjugale est assez stable. Certains, comme les tentatives de meurtre et les agressions sexuelles, ont même augmenté.
Le hic, c’est que les actes les plus violents sont devenus plus difficiles à prévenir, croit Sylvie Langlais, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. « Il n’y a plus d’escalade de la violence, ou presque plus », dit M Langlais, qui est elle-même responsable d’un refuge.
La femme battue type n’arrive pas dans un refuge avec un œil au beurre noir. Elle ne tente pas de cacher une blessure par une excuse bidon au bureau. En fait, beaucoup d’hommes ne sont pas violents physiquement avec leur conjointe. Ils sont agressifs verbalement et psycho-logiquement. Ils contrôlent tout : l’argent, la manière dont s’habille leur copine, à qui elle parle. Ils ont des accès de colère et s’en prennent aux objets, mais ils ne frappent pas nécessairement. Jusqu’à ce qu’un jour, quelque chose les fasse éclater.
« Les meurtres surviennent souvent lorsque la femme est enceinte. L’homme est jaloux. Il a peur de perdre la première place. »
— Diane Sasson, directrice de l’Auberge shalom
« Un autre moment propice, ajoute-t-elle, est quand la femme quitte et que son conjoint perd tout espoir de la contrôler. » Cheryl Bau-Tremblay était enceinte, Samantha Higgins venait d’accoucher.
Avec l’avènement des réseaux sociaux et des téléphones intelligents, il est devenu plus difficile pour les femmes de couper les ponts avec un conjoint ou un ex violent.
« Même quand les femmes sont dans un refuge, il y a des hommes qui appellent constamment, ou qui envoient des messages textes de menaces. Ça met les victimes tout à l’envers », dit M Langlais.
Il y a quelques mois, un ex-conjoint a retrouvé sa victime et leur fils, qui s’étaient réfugiés dans un refuge quelque part dans la province, grâce à l’application GPS de Facebook. Il les a attendus à la sortie et les a battus.
De tels événements forcent les maisons d’hébergement à redoubler de créativité pour assurer la sécurité de leurs pensionnaires. L’Auberge shalom pour femmes, par exemple, envisage de donner rendez-vous aux victimes ailleurs qu’au refuge afin de désactiver les GPS avant de les y amener.
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SOS violence conjugale 1 800 363-9010
Police 911